L’histoire de deux traductrices
Qui a traduit la version de la Bible anglaise que vous utilisez? « Googler » la réponse, et il y a de fortes chances que vous trouviez que tous ou la plupart des traducteurs soient des hommes, même de traductions très récentes.
Remarquablement deux traductions du milieu du dix-neuvième et début du XXe siècle furent la conséquence des efforts en solo de femmes savantes.
Laissez-moi vous présenter :
Julia Evelina Smith (1792-1886)
Smith fut la première femme à traduire l’ensemble de la Bible en anglais sans aide. En fait, elle est toujours la seule femme a l’avoir fait ainsi.
Alors que la traduction de Smith était auto-publié, Helen Barrett Montgomery sera la première femme dont la traduction du Nouveau Testament grec fut publié professionnellement.
Helen Barret-Montgomery (1861-1934)
Éducation et influence
Smith et Montgomery avaient l’avantage d’être nées dans des familles dotées d’une situation financière confortable, et elles avaient des parents qui appréciaient l’éducation pour leurs filles. Toutes deux elles ont profité des opportunités pour l’engouement pour l’éducation des femmes.
Au temps de Smith, c’était très inhabituel pour les femmes d’étudier le latin et le grec,mais elle a obtenu la permission d’étudier le Latin (et probablement aussi le grec) avec un tuteur pendant ses études secondaires.
La dérision de son collègue étudiant masculin concernant une fille qui étudie le latin l’a surement incitée à travailler encore plus dur. Plus tard, elle apprendra elle-même l’hébreu. Cependant, malgré les compétences académiques incontestables de Smith, les filles n’avaient pas accès à une formation universitaire dans leur jeunesse – et cela ne sera pas avant 1876 qu’une femme américaine obtiendra une licence en théologie.
Avec sa famille, Smith était impliquée dans des activités pour des causes sociales telles que l’abolition et le droit de vote aux femmes. Cependant, malgré un bref passage dans l’enseignement dans une école de filles, la plupart de sa vie s’est centrée sur la sphère domestique : ses parents, ses sœurs et la ferme familiale.
Smith fut la seule de ses sœurs à épouser, s’engageant avec Amos Parker quand elle avait quatre-vingt-sept ans!
Née dans une génération ultérieure, Montgomery a pu accéder à de nouvelles occasions d’éducation pour les femmes. Elle a été l’une des premières étudiantes à obtenir un diplôme d’enseignement au Wellesley College, uniquement pour les filles, où elle fut première de sa classe dans les études grecques.
Elle recevra plus tard une distinction honorifique en arts et et fut trois fois docteur honoris causa
Montgomery ne s’est pas contentée de profiter de la vie sociale d’être l’épouse d’un
riche homme d’affaires, mais a employé ses dons considérables dans des activités allant de la création d’ un syndicat pour protéger les droits des travailleuses à l’écriture de plusieurs livres sur les missions et l’avancement de la cause des conseils de mission, prendre place au Conseil de l’école de Rochester (New York) – élue à cette position longtemps avant que les femmes elles-mêmes
puissent voter. Malgré son emploi du temps chargé par ses activités publiques et l’écriture de livres, Montgomery est restée active dans l’enseignement de la Bible dans son église locale. Pendant quarante-quatre ans, elle a organisé et donné un cours biblique pour femmes à l’église baptiste de Lake Avenue à New York, ce qui lui a également permis de prêcher en 1892.
Reconnaissant sa spiritualité et son leadership elle est devenue avec les élections de 1921 la première femme présidente de la convention baptiste du nord (maintenant les églises baptistes américaines aux États-Unis), ou de tout autre Dénomination américaine. C’était une période précaire
dans lequel une gouvernance forte et sage était nécessaire pour diriger l’église à travers le conflit causé par la montée du fondamentalisme. Montgomery a dirigé la dénomination à travers cette période difficile avec un équilibre de ses propres convictions fermes et d’habiles négociations entre les parties fortement opposées.
La traduction de Julia E. Smith
Le prédicateur baptiste William Miller avait conclu, sans l’ombre d’un doute (dans son esprit et ceux
de ses disciples), que la Bible a indiqué que le monde se terminerait le 22 octobre 1844. Quand le 23 octobre se leva, Smith était parmi celles dont la foi fut secouée par l’échec de l’interprétation de Miller.
Comment Miller et tous ceux qui l’ont cru ont-ils pu s’être trompés à propos des Écritures?
La solution, conclut Smith, était de revenir aux langues d’origine et à plus précisément :
« Voir la connexion de la Genèse à l’Apocalypse. » (1). Ses quatre sœurs et un autre ami étaient « anxieux de connaître le sens littéral de chaque mot que Dieu avait prononcé. »(2) Aussi en 1847, Smith a commencé à traduire la Bible pour eux, les rencontrant chaque semaine pour discuter du progrès. En 1855, elle avait traduit la Bible deux fois une en grec et en hébreu et une fois en latin.
Le but de la traduction de Smith était de développer la version la plus littérale possible, afin d’arriver au sens correct de ces textes. Bien qu’elle était à bien des égards, une linguiste douée, elle n’avait pas la formation nécessaire pour la traduction ou l’interprétation (herméneutique)qui lui permettrait de voir les défauts de son approche littéralement brute. Comme elle n’avait pas étudié à l’université, elle n’a pas perçu certaines des erreurs dans sa compréhension du grec et de l’hébreu.
Smith ne croyait pas que des commentaires ou d’autres connaissances spéciales au-delà de la compréhension des mots sur la page, étaient nécessaires pour la traduction, et elle n’a pas ressenti le besoin de consulter des chercheurs bibliques pour examen. Dans l’introduction de sa
Bible, elle a écrit:
«Cela peut être pensé par le public en général, que j’ai une grande confiance en moi, en ne consultant pas un bibliste savant pour un si grand travail, mais comme il n’y a qu’un livre en hébreu, et je l’ai défini mot pour mot, je ne vois pas comment on peut en savoir plus que moi ».(3)
Cette croyance imposante en ses propres capacités lui a permis d’accomplir beaucoup dans certains domaines, mais cela l’a malheureusement rendue plus pauvre savant que sa capacité naturelle avait supposé. Néanmoins, c’était une réalisation remarquable.
Sa traduction aurait pu être perdue pour l’histoire si un collecteur d’impôts impitoyable n’avait augmenté les taux d’imposition pour les propriétés appartenant à des femmes dans la ville natale de Smith, Glastonbury, Connecticut, mais a laissé les taux d’imposition identiques pour les propriétés des hommes. Ainsi commença une bataille juridique dans laquelle Smith et sa seule sœur survivante, Abby, se sont battues dans les tribunaux et celui de l’opinion publique pour « pas de taxation [des femmes] sans représentation « un siècle après les révolutionnaires du Boston Tea Party.(4) Le combat des sœurs à l’échelle nationale a attiré l’attention sur la question du suffrage des femmes.
En espérant démontrer que les femmes devraient avoir le droit de vote parce qu’elles n’étaient pas intellectuellement inférieures aux hommes, Smith a décidé de publier sa traduction de la Bible plus de deux décennies après l’avoir terminée. Elle a sélectionné une maison d’édition où la composition, le fonctionnement de la presse et l’édition ont été faites par des femmes. Cette publication de la Bible était indéniablement un acte féministe
Montgomery : le Nouveau Testament
Bien que la traduction de Smith soit née de son désir de mieux comprendre la Bible pour elle et son proche entourage, Montgomery a été poussée par des préoccupations évangéliques. Comme jeune femme, avant d’aller à l’université, elle avait enseigné à l’école du dimanche pour « quelques garçons rugueux de la rue, [les aidant] à connaître l’amour qui contient tous les amours dans Son cœur. » (5) Elle aimait ses élèves et encourageait leur foi a plus de profondeur, mais luttait avec le problème de savoir comment les aider à lire la Bible dans la langue de la Version king James -une barrière pour les jeunes et les moins éduqués.
Le temps qui passait n’a pas terni son inquiétude pour cet obstacle à l’évangélisation. Après son retour au milieu de 1914 après de une tournée mondiale sur le terrain de la mission étrangère, elle a commencé à traduire le nouveau testament grec en anglais, une tâche commencée plus de trois décennies après avoir enseigné aux garçons à la Classe de l’école du dimanche, et qui prendra neuf ans pour être achevée. Son objectif était de rendre l’Écriture plus accessible aux jeunes, étrangers et aux enseignants qui s’occupaient de l’école du dimanche.
Ironie du sort, sa première incursion dans les études grecques à Wellesley fut malheureuse. Elle détestait le sujet et voulait le laisser tomber, mais a ensuite décidé de persévérer. Comme sa compétence en grec grandissait, elle a trouvé que cela l’aidait à trouver « une approche plus intime du Sauveur de l’humanité. » (6) sa nouvelle Traduction du nx testament de nombreuses années plus tard a démontré une telle excellence et précision que A.T. Robertson savant spécialiste du Grec a remarqué, « il ne restait plus qu’une femme pour traduire la grammaire grecque correctement. » (7)
En traduisant les passages sur les femmes du Nouveau Testament, Montgomery eut accès à des ressources qui n’étaient pas disponibles dans le temps de Smith. En particulier, il semble certain qu’elle a été influencée par le travail de Katharine Bushnell, une révolutionnaire qui a écrit « la parole de Dieu pour les femmes ».
Ses choix de traduction concernant les femmes étaient plus audacieux que beaucoup d’autres Bibles, et reflètent sa conviction que le christianisme était vraiment une foi de la liberté et l’égalité pour les femmes. Elle a déclaré au Congrès mondial des baptistes en 1923 cela,
« Jésus Christ est le grand Émancipateur de la femme. Lui seul parmi les fondateurs des grandes religions du monde a regardé les hommes et les femmes avec les mêmes yeux, ne voyant pas leurs différences, mais leur unité, leur humanité. « (8)
Montgomery combine l’érudition avec un souci de lisibilité qui s’étend au-delà de son choix de formulation. Elle a été la première à utiliser des titres, à déplacer les numéros de versets dans les marges, et à séparer le texte en paragraphes (traditionnellement, chaque nouveau verset commençait à la marge de gauche).
Deux de ces trois innovations sont maintenant devenues des standards dans les bibles anglaises. Elle utilisait les notes de bas de page pour donner des détails sur le contexte historique, des citations de l’Ancien Testament, des études de vocabulaire, et d’autres informations utiles, faisant de sa version un premier exemple d’une Bible d’étude.
La nouvelle traduction est sortie des presses de la » baptiste américain Publication Society » en 1924,
l’éditeur centenaire. Elle s’est donc appelée la « traduction du centenaire », mais est également connue sous le nom de Montgomery NewTestament et le Nouveau Testament en anglais moderne.
Montgomery et son mari vivaient en dessous de leur moyens et cela signifiait qu’ils pouvaient consacrer beaucoup de leurs revenus pour le travail du Seigneur, c’était typique de leur engagement philanthropique. Montgomery a choisi ne pas profiter des ventes elle-même, mais a envoyé les fonds aux Missions baptistes Nord américaines.
Une place dans l’Histoire de la traduction
Comme la première traduction de la Bible par une femme et en raison de sa connexion avec l’histoire du suffrage des femmes aux États-Unis, la traduction de Smith a attiré certains intérêts récents des chercheurs. Mais en tant que choix de la Bible pour le lecteur de tous les jours, les particularités de son style de traduction et diverses inexactitudes en font une simple curiosité historique.
Contrairement aux intérêts personnels qui ont inspiré la traduction de Smith, la traduction du Nouveau testament de Montgomery était faite avec le lecteur en vue. Contrairement à Smith, elle a utilisé les dernières connaissances de son temps et une plus profonde compréhension du grec, combiné avec le désir de communiquer avec une précision du sens (plutôt que de simplement transposer mots). Cela reste une traduction lisible pour aujourd’hui. L’innovation dans le formatage dont Montgomery a été la pionnière a eu un impact durable sur la façon dont nos bibles se présentent. Bien que son nouveau testament ait été beaucoup négligé par les savants, l’interprétation de Montgomery du passages bibliques sur les femmes, qui étaient à la fine pointe pour leur temps, devrait gagner une place dans l’histoire de la théologie égalitaire.
Bronwen Speedie est la fondatrice du ministère Design de Dieu- Perth (godsdesignperth.org),qui vise à apporter de la clarté, guérison et encouragement en Christ à travers le message d’égalité biblique. Elle est l’auteur du prochain livre » hommes et femmes: la conception de Dieu »
étude et président de CBE Perth.